Au dessus du cercle arctique les journées d’été ont beau n’avoir jamais de fin, le temps me manque souvent pour capturer l’essence des paysages aperçus.
Comme il est facile de dire que l’on manque de temps. Le temps est élastique et c’est à nous d’en tirer le meilleur profit.
Donc finalement, je suis plutôt fière de ma « saison d’aquarelle ». Entre cuisiner pour 9 personnes trois fois par jour, m’occuper des enfants, amener nos groupes en kayak et sur glacier, sans oublier l’entretien quotidien du bateau, j’ai réussi à produire une quarantaine de peintures.
Et à donner quelques cours d’aquarelles aux groupes qui avaient de l’intérêt pour cet art.
Les aquarelles de mon carnet
Dans mon cahier, je peins habituellement en pleine navigation. Je dois donc vite m’imprégner de l’essence du paysage avant que le bateau ne bouge trop. En plus avec les vagues, même petites, les détails deviennent difficiles à réaliser.
L’avantage, c’est que pour chaque aquarelle je me remémore ces moments passés sur le pont, absorbée par le moment présent. Je me rappelle du froid sur mes mains, du vent dans mes cheveux, du soleil changeant sur les montagnes ou encore de la baleine étant venue perturber ce moment de concentration.
Ici et maintenant; je ne me souci plus du dessert du soir, du cap de la navigation, des prochains jeux à faire avec mes cocos. Il n’y a plus que mon cahier, mes couleurs et les paysages éblouissants.
Je m’impose une règle pour mon carnet: je ne m’autorise jamais à arracher une page. Même le dessin le plus raté, je m’oblige à le terminer du mieux que je peux.
Parce qu’avec persévérance j’arrive la plupart du temps à « rattraper » une aquarelle manquée. Ou pas, mais au moins j’aurai essayé.
Voici un extrait de mon carnet de voyage avec des aquarelles de Norvège et du Spitzberg
Les aquarelles “cartes postales”
Un format que j’adore pour le voyage, facilement détachables, elles s’offrent facilement.
Lorsque j’utilise ces papiers, c’est le plus souvent pour peindre à partir de photos. Je peux choisir une des plus belles photos, me poser tranquillement à l’intérieur du bateau.
Plus rien ne bouge; Je peux faire plus de détails; Mieux travailler les couleurs; Je ne suis plus dans l’urgence.
Les cours d’aquarelle à bord
Partager sa passion, c’est ce que l’on fait au quotidien sur LifeSong. J’ai toujours aimé amener les gens à se dépasser physiquement à travers des sorties de kayak, de randonnées, de ski ou de marche sur glacier. Maintenant, j’offre à tous de participer à des ateliers d’aquarelle peu importe leur niveau, tous le monde peut y arriver. Et même sans grande confiance, tous réussissent à sortir des couleurs de leurs têtes. À créer une pièce unique.
Car peut importe combien d’équipiers participent à l’atelier, jamais deux aquarelles ne se ressemblent. C’est là toute la beauté de la diversité d’expression.
Un moment de partage, de création sans pression.
Les aquarelles ci-dessus ont été réalisées lors de cours à bord.
TEXTE ET PHOTO DE LAURENT MAROL qui a voyagé avec nous au Spitzberg en juillet 2022. Talentueux photographe, suivez ses aventures sur son tour du monde commençant en septembre 2022 : https://unansurterre.wixsite.com/unansurterre/blog
Cela fait maintenant trois ans que j’attends et prépare ce voyage au Spitzberg à bord du voilier LifeSong.
Le Spitzberg est l’île principale du Svalbard, un archipel Norvégien situé aux alentours du 80e parallèle, à moins de mille kilomètres du pôle nord. Ces terres polaires sont encerclées par la banquise durant la longue période hivernale mais offrent quelques mois de répit en été aux navigateurs, aux scientifiques et aux quelques amoureux de la nature qui sont prêts à affronter la glace et la solitude.
J’ai toujours été envouté par les régions polaires et les paysages de glaces et d’icebergs. C’est la troisième fois que je retrouve Christophe et Emma à bord de leur voilier pour naviguer au milieu des glaciers.
Lors de notre premier périple, il y a presque sept ans, à bord de leur ancien bateau Vénus, nous avons embarqué à Ushuaia pour sillonner les canaux de la Patagonie chilienne et passer le fameux Cap Horn à la voile.
Il y a trois ans, nous voguions sur Lifesong, un magnifique Garcia 68, au milieu des icebergs de la côte ouest du Groenland, entre fjords glaciaires et baleines à bosses.
Chacune de ces expériences m’a profondément marqué, et à peine rentré en France, je pensais déjà à la prochaine région à explorer avec eux.
Pour se rendre au Svalbard, je devais prendre quatre vols différents. En raison des grèves et des difficultés financières des compagnies aériennes au début de l’été 2022, plusieurs vols ont été annulés sans être remplacés et il a fallu se battre pour rejoindre Lifesong. Je me suis même rendu à Oslo, sans savoir si je pourrai embarquer le lendemain pour Longyearbyen, la capitale du Svalbard. Cela a découragé les cinq autres passagers prévus pour le voyage et ils ont fini par renoncer.
C’est donc seul que j’embarque sur Lifesong, pour une croisière privée de deux semaines.
Je retrouve avec une immense joie Emma, Christophe et leurs deux enfants. Je rencontre également Lucas, leur équipier pour cette saison.
Lucas Lepage, photographe de formation, est un aventurier globe-trotteur ou « nomade voyageur » comme il aime se décrire. Il a parcouru le monde pendant plus de cinq ans, à travers une quarantaine de pays, avec son objectif à la main et sa tente sur le dos. Au cours de son périple, il a réalisé deux projets photographiques autour de la scolarisation dans les écoles du bout du monde et de l’aventure des bivouacs.
Durant ces deux semaines, nous avons partagé avec Lucas de nombreux récits de voyages, des anecdotes d’aventures, des conseils de globe-trotteurs et des points de vue sur la photo. C’était le compagnon idéal pour moi, passionné de voyage et de photographie. Son histoire, ses projets et ses photos seront une grande source d’inspiration pour la suite de mon aventure.
C’est la deuxième fois que je passe le cercle polaire en été, mais j’avais presque oublié le soleil de minuit. En effet, à cette période de l’année, le soleil ne se couche jamais sous ces latitudes. Il n’y a pas d’aube, pas de zénith, ni de crépuscule. Le soleil tourne autour de nous en permanence, offrant une belle lumière pour la photographie mais nous privant du spectacle grandiose des levers et couchers de soleil. La première minute de nuit est prévue le 24 Août, je serai rentré depuis longtemps.
Première étape, la ville de Longyearbyen, abrite la grande majorité des 2800 habitants du Svalbard. Ancienne ville minière, elle sert principalement de base de départ pour des expéditions scientifiques ou pour le ravitaillement des navires. Aujourd’hui c’est un port cosmopolite, où des étudiants et scientifiques du monde entier viennent étudier la région polaire. Une fois l’avitaillement réalisé, nous levons l’ancre pour quitter la civilisation, ou du moins ce qui s’en rapproche le plus au Svalbard.
La première journée de navigation se fait au milieu d’une brume et d’un crachin glacial. Lifesong est bercé par une mauvaise houle venue du large. Ce ne sont les conditions optimales mais ce sera finalement la plus mauvaise journée du périple. Seul élément marquant de la journée, nous avons aperçu une baleine à proximité du voilier. Elle était gigantesque, plus grande qu’une baleine à bosse, peut-être était-ce une baleine bleue, le plus grand mammifère du monde.
La météo sera plus clémente par la suite, alternant entre soleil, nuages et timides éclaircies. La température est positive mais le ressenti est souvent négatif en raison du vent et des glaciers environnants.
La grande différence au Svalbard par rapport à la région du Groenland où nous étions la dernière fois, est la présence des ours polaires. Cet animal emblématique du pôle nord, est l’une des raisons majeures de ma venue ici. J’ai toujours été fasciné par les ours. Ils sont majestueux, à la fois puissants et mais souvent pacifiques, ils représentent pour moi la quintessence de la vie sauvage.
J’ai effectué plusieurs voyages pour aller observer les ours noirs et les grizzlys dans leur état naturel, en Alaska, au Canada, ou encore dans l’ouest américain. Un de mes plus grands rêves était donc de partir à la rencontre de l’ours polaire dans les terres glaciaires.
L’ours polaire est le seul prédateur 100% carnivore de la famille des ursidés. Il présente un risque pour l’homme car il peut être tenté de le chasser. Il attaque donc pour tuer et non pas pour se défendre comme les autres espèces d’ours.
Par conséquent, à chaque fois que nous quittons Lifesong, en zodiac ou à terre, il est nécessaire d’être armés de fusils. Heureusement, c’est une mesure de prévention et il n’y a que quelques accidents par an sur l’ensemble du territoire. La plupart du temps, en respectant certaines règles élémentaires de prudence, les rencontres entre l’homme et l’animal se font à distance et tout le monde repart entier.
Grâce aux compétences d’Emma, qui est « guide de l’extrême » comme j’aime l’appeler, et à son expérience acquise lors de nombreuses expéditions polaires, nous avons réalisé plusieurs marches sur glaciers lors de ces deux semaines. Equipés de crampons et piolets, nous partons explorer ces mastodontes, entre séracs, moulins et crevasses.
J’ai déjà eu la chance de m’aventurer plusieurs fois sur des glaciers ou des fronts glaciaires mais c’est la première fois que j’ai l’occasion de descendre dans une crevasse de glace. C’est à la fois enivrant et oppressant. D’un côté, plus l’on descend, et plus la glace est teintée d’un bleue translucide et parsemée de petites bulles magnifiques. De l’autre, plus on s’éloigne de la surface et plus on entend les craquements du glacier en perpétuel mouvement et plus la lumière du soleil diminue pour laisser place à la pénombre.
Lorsque je n’arrive plus à plier les genoux tellement l’espace entre les parois s’est réduit, je décide de remonter plutôt que d’être descendu comme un poids mort par Emma. Cette descente fut une expérience inoubliable.
La navigation au Svalbard est ponctuée par les passages dans les fjords glaciaires, tous plus beaux les uns que les autres. La plupart du temps, la mer est calme et plate, le voilier se faufile au milieu des icebergs et les glaciers de montagnes se reflètent à la surface de l’eau comme sur un miroir. Plus on se rapproche du front du glacier, plus l’air se refroidit et les discussions de navigation laissent place peu à peu au silence de contemplation devant la beauté des lieux.
Nous restons parfois des heures à contempler le spectacle grandiose d’un glacier qui vêle des séracs de plusieurs dizaines de mètres de hauteur, à écouter le grondement des chutes de glace et les craquements dûs au mouvement perpétuel du glacier qui avance inexorablement vers la mer.
J’ai aperçu au Svalbard, le plus grand front glaciaire que je n’avais jamais observé, plus grand même que le fameux Périto Moreno en Patagonie argentine. Le drône nous indique plus de 120m de hauteur pour plusieurs kilomètres de long. Le glacier s’étend sur toute la baie et nous offre une vision à 180° de son front glaciaire.
Sur Lifesong, toutes les activités sont possibles. Nous partions en kayak gonflable, explorer les fjords peu profonds, inaccessibles pour le voilier. Lors d’une sortie, nous étions proches de l’embouchure d’un petit cours d’eau très chargé en sédiments et nous pagayions au milieu d’une eau couleur ocre et sang. Le contraste avec les icebergs d’un bleu intense était magnifique.
J’ai aperçu pour la première fois des « mirages froids ». En effet, tout comme les très fortes chaleurs dévient les rayons lumineux et font apparaitre des mirages à l’horizon, les glaciers et les courants froids créent des mirages à la surface de l’eau et font onduler les paysages au loin.
Cela rend la recherche des ours encore plus complexe. En raison des nombreux rochers blancs sur le rivage, il est fréquent d’avoir des fausses joies avant de se rendre compte que ce n’est qu’un « caill-ours ».
Ce jour-ci, ce n’est ni un mirage, ni un caillours mais bel et bien un ours polaire que nous avons aperçu au loin aux jumelles, pendant quelques secondes. Tout l’équipage est sur le qui-vive pour le repérer et le capitaine nous rapproche doucement de l’île sur laquelle il se trouve. Une fois à proximité, nous jetons l’ancre et embarquons dans le zodiac, armés de fusils pour certains et d’un téléobjectif pour ma part.
Après quelques minutes, il apparait à deux cents mètres de nous. Il est sur une réserve protégée pour les oiseaux, mais n’en a que faire et se fait un festin en dévalisant les nids des sternes arctiques. C’est un grand et puissant mâle, dépassant probablement les 500kg. Mon rêve se réalise enfin, c’est un moment unique.
Nous allons le suivre dans sa balade, parfois sur terre, parfois en mer. Il n’est pas curieux envers nous et ne s’est rapproché à aucun moment du zodiac. Bien qu’excellent nageur, il peut parcourir plusieurs centaines de kilomètres sans s’arrêter et atteindre 10km/h dans l’eau, il sait qu’il ne peut nous attraper sur le zodiac.
Pendant deux heures, le temps semble s’arrêter pour moi, je contemple avec béatitude cet animal emblématique du pôle nord, si gracieux et majestueux. J’alterne les phases de prises de vue photographique et celles où je profite simplement de l’instant présent avec mes yeux.
Lorsque l’ours reprend la mer pour rejoindre l’île principale, nous rentrons sur Lifesong, des étoiles plein les yeux, des souvenirs plein la tête, et les chargeurs de fusils toujours complets bien évidemment.
Ce fut sans nul doute pour moi, l’un des plus grands moments de cette croisière au Svalbard.
Nous avons eu la chance d’apercevoir un second ours quelques jours plus tard alors que nous étions à terre pour se lancer à l’assaut d’un glacier, fort heureusement à bonne distance. Nous sommes rapidement rentrés au zodiac pour éviter toute altercation. De loin, nous pensions que c’était un petit et nous ne voulions pas nous retrouver nez à nez avec maman ours.
En nous rapprochant en annexe, nous avons pu l’observer pendant plus d’une heure, posé au milieu des icebergs, au pied d’un glacier. Il n’était finalement pas si petit et était vraisemblablement seul dans les parages. Les phoques nageaient paisiblement à quelques dizaines de mètres de lui. Le ballet permanent des icebergs et la lumière rasante sublimaient la scène et m’ont offert des images merveilleuses de cette seconde rencontre.
En dehors des ours, nous aurons également la chance d’apercevoir de très près, lors de nos randonnées, des rennes du Svalbard, des phoques tachetés, un renard polaire et des morses échoués sur les plages. Ces énormes mammifères inoffensifs sur terre, attaquent parfois les annexes à coups de défenses. Il faut donc rester prudent lorsqu’ils sont proches du zodiac.
Entre deux escales, les heures de navigation et la vie à bord de Lifesong se déroulent au gré des envies et des passions de chacun. Emma immortalise les magnifiques paysages au travers de ses sublimes aquarelles, Christophe peaufine les itinéraires de navigation et veille au grain sur le bateau, Lucas essaye de préparer ses futurs expositions photo lorsque les enfants lui laissent quelques minutes de répit.
L’équipage entier se relaie pour cuisiner des repas délicieux, et chaque soir nous dégustons un nouveau plat « signature », accompagné d’une bouteille de bon vin.
Pour notre dernière soirée, je souhaite aller à terre pour manger autour d’un feu de camp. Lucas qui rêve de pouvoir bivouaquer depuis son arrivée, pour renouer avec son mode vie préféré, m’accompagne pour repérer un lieu propice, avec une vue dégagée, afin de vérifier qu’un ours ne s’invite pas à notre repas.
Il n’y a pas un seul arbre qui pousse au Svalbard. Cependant, certaines plages sont couvertes de bois flotté. En effet, des centaines de tronc de la Taïga dérivent depuis les côtes de la Sibérie avant de venir s’échouer sur cet archipel.
Une fois le bois coupé et le feu lancé, Emma, Christophe et les enfants nous rejoignent avec les vivres pour commencer l’apéro.
Après avoir terminé le repas et couché les enfants, nous poursuivons cette belle soirée autour du feu, une bouteille de rhum à la main. Lucas nous raconte les anecdotes de bivouac de ses nombreux voyages, Christophe et Emma se remémorent les navigations dans les mers du sud jusqu’à l’Antarctique et nous rêvons de nos prochaines expéditions avec Lifesong. En attendant de reprendre la mer pour une nouvelle aventure, nous essayons d’imaginer ce qu’on pu ressentir les grands explorateurs des contrées polaires tels Jean Baptiste Charcot et Paul Emile Victor, véritables idoles des navigateurs de ces régions sauvages, hostiles et sublimes.
Ça y est, on est officiellement devenu un voilier d’expéditions ski!
Le rêve pour une guide qui vit sur un bateau depuis presque huit ans.
En Patagonie, on a d’abord ajouté la randonnée à nos croisières, puis comme les glaciers étaient trop beaux, on s’est procuré des crampons pour marcher sur ceux-ci.
En changeant de bateau (de Venus (51 pieds) à LifeSong (68 pieds)), on s’est mit à stocker quatre kayaks doubles dans le pic avant ! De quoi vivre autrement les paysages du Grand Nord.
Sans oublier tout le stock de pêche pour réellement créer une aventure unique à notre bord.
Cette année, on commence les croisières ski-voile ! Toute une logistique de naviguer avec le pont plein de neige, de transporter d’innombrables paires de skis/bottes dans l’annexe et de faire sécher l’équipement à chaque nuit. De nouveaux défis tout à fait surmontables pour accueillir à bord d’heureux skieurs.
Comment vous décrire l’indescriptible voyage qu’on a vécu début avril… Déjà, nous avons rencontré avec plaisir notre équipe franco-belge de huit skieurs motivés par l’inconnu.
On a commencé plutôt doucement avec des journées “presque” balisées, une petite tempête de vent et une navigation ponctuée de rafales. Puis on a trouvé la neige de rêve, de la poudreuse digne de l’Ouest Canadien, entre les arbres d’un mouillage idyllique.
Suite à la traverse d’un ruisseau (raccourci pas du tout rentable en temps, mais tout à fait rentabilisé par la rigolade générale), je me suis dit que j’avais à faire à un groupe motivé par les chemins remplis d’embûches et d’aventures.
On a donc par la suite multiplié les options chaotiques… Comme faire l’aller-retour en kayak pour relier le bateau au départ de ski. Et tel Superman qui se transforme en un éclair en super-héros, mes kayakistes en habits étanches devenaient en quelques minutes des skieurs multi-couleurs. Infatigables face aux défis.
Du “vrai” hors-piste
On a aussi improvisé des itinéraires à travers des chemins de raquettes et passages d’élans au plus grand plaisir de notre splitboarder. Des traces improbables entre des roches, des arbres, des falaises et des lacs gelés: du vrai ski HORS-PISTES!
L’avant-dernière journée, je motive le capitaine à venir nous chercher de l’autre côté d’une crête pour que l’on puisse profiter de la majestueuse descente dans la poudreuse. Le fjord gelé l’était par contre encore plus que la veille, et LifeSong s’est retrouvé encerclé par la glace. Près de 15 centimètres d’eau de mer gelée. À ce moment là, je ne sais pas trop ce qui s’est passé dans la tête de l’équipage… En quelques minutes Lucas, notre équipier, s’est retrouvé en combinaison étanche à marcher sur la glace fraîche, une pagaie entre les mains. L’image de son arrivée alors que l’on termine notre journée de ski est tout à fait irréelle. Malgré la surprise générale, tout le monde revête sa combinaison étanche. Et un à un ils traversent, plus ou moins rassurés, mais assurément excités par cette aventure inopinée.
L’avantage du ski-voile
Les conditions nous ont permis de skier tous les jours, de nous sentir au milieu d’une carte postale à chaque ascension. Et quel bonheur à chaque retour au bateau de retrouver le confort, la chaleur, la musique et l’odeur du gâteau du jour.
Moi qui ai l’habitude de faire du ski et de camper dehors, LifeSong ouvre la porte à de nouvelles aventures où le confort chaque soir permet de faire encore plus de terrain le lendemain. Sans oublier que le voilier offre aussi de nouvelles possibilités pour rejoindre des montagnes inaccessibles autrement.
*Merci à mon papa d’avoir préalablement testé les itinéraires ski-voile avec moi. Ce fut un réel bonheur de se retrouver père-fille comme à mes débuts au Mont Washington, USA.
Texte écrit par Christophe après la traversée retour du Groenland à la fin de notre saison 2021.
Avant chantier
Au cours d’une de nos saisons, notre journal de bord accumule toutes sortes d’informations.
Qui est avec nous, notre route, où allons nous, l’état de la mer, le temps, etc. Tout ce qui concerne le bateau et ce qui s’y passe. Mais à son envers, une liste non exhaustive entasse les améliorations futures à faire, les chose à réviser ou les problèmes à bord.
Car un bateau, surtout un voilier d’expédition, peut être sans cesse amélioré tant pour son confort que sa technicité et sa simplification dans l’entretien à long terme.
Il est difficile d’imaginer ou de se rendre compte de ce que représente ce travail de longue haleine.
Pour ceux qui reviennent avec nous, on observe souvent leurs surprises sur ce qui a été ajouté dans leur cabine ou dans le carré.
Et comme tout iceberg, ce n’est que la partie émergée dont ils se rendent compte.
Début Octobre, nous accostons à Bénodet, et c‘est un rinçage complet!
Les voiles, à faire sécher, à plier. Les drisses, les bouts, les amarres à dégréer. Plus de 20 jours, nous serons nécessaire pour démonter chacun des cordages du bord, entreposer les kayaks, vérifier les annexes et les moteurs hors-bords.
Puis c’est au tour des moteurs « inboard », notre moteur principal où on effectue une rigoureuse vérification (changement des injecteurs, des filtres, changement d’huile, etc.), puis le groupe électrogène, et tout ce qui gravite autour.
Vient ensuite le tour de notre chauffage puis des améliorations.
Une très grosse partie de notre budget y est alloué. Cela nous permet d’éviter la majorité des pannes, d‘affronter des conditions climatiques « hors normes » et, surtout, cela achète notre tranquillité.
Pour vous donner une petite idée des travaux hivernaux à venir:
Changement d’hélice / arbre d’hélice et accouplement
Antifouling / nettoyage de notre coque
Dépose du safran et sa réinstallation
Installation de radiateurs sèche serviettes dans tout le bateau
Pose d’un indicateur de consommation de diesel pour le moteur
Délocalisation du filtre à huile pour un meilleur accès et son changement
Fabrication de nouveaux rouleaux pour les bouts à terre
Installation d’un plus gros alternateur (200A en 24V)
Un plus gros inverter 24V /220V 5000W pour faire fonctionner le dessalinisateur ou la machine à laver sous moteur
Révision et changement de nombreux éléments du dessalinisateur
Nous étudions aussi tout ce qui peut améliorer votre confort dans votre espace à bord, comme des doubles vitrages pour éviter la condensation, des prises 220V ou des USB à votre disposition en tout temps.
Pour les groupes de skis à venir, des sèches bottes permettrons aux skieurs de repartir chaque matin avec des chaussons chauds et sec.
Un aspect important est également tourné vers l’écologie et la manière dont nous pouvons réduire notre impact sur la nature.
Car notre plus belle satisfaction est de rendre votre croisière la plus belle possible, dans les meilleures conditions imaginables.
Après chantier
Nous voici maintenant au début de notre saison 2022, le chantier est derrière nous et on peut dire que l’on a bien travaillé…
Voici quelques photos des multiples travaux qui se sont évidemment multipliés au fur et à mesure du chantier.
-Nouveau winch Andersen
-Installation d’une plaque à induction
-En couture: nouveau sacs de bouts, rallonge de capote, tapis sur-mesure, multiples sacs de rangement, etc.
-Nouvelles tables pliantes pour le “coin enfant”
-Création/Soudure d’une main courante pour remonter de l’annexe
-Nouveaux pommeaux de douche avec compteur d’eau
-Installation d’un robinet d’eau stérilisé aux U.V.
Lorsqu’on explique notre mode de vie avec nos enfants les réactions sont multiples:
“Je ne sais pas comment vous faite!” “Quelle chance ils ont vos enfants” “Mais ils ne vont pas à l’école?” “Vous n’avez pas peur?” “Quel courage!” “Vous êtes fous…”
C’est vrai qu’entre les navigations parfois stressantes dans des régions inexplorées, la gestion des repas pour 8-9 personnes tous les jours, les randonnées en terrain inconnu et la gestion d’un bateau de 21 mètres; on ajoute à ça l’encadrement de deux enfants en bas âge. On ne se simplifie pas la vie, mais on la rends certainement hors de l’ordinaire pour nous et nos deux petits cocos.
Et on est quand même pas si fous que ça… Depuis l’arrivée de Raphaël, nous avons toujours un équipier à bord pour nous aider dans toutes les tâches (manoeuvres, cuisine, réparations, débarquement à terre, gestion des enfants, etc.) Alors c’est finalement avec simplicité qu’on continue notre vie de fou à bord de LifeSong.
Nos enfants
Si vous ne les connaissez pas déjà, ils vont certainement vous surprendre par leurs singularités.
Jade
Née en 2019, c’est notre petite intrépide. Du haut de ses 18 mois, elle a conduit l’annexe entre les glaces du Groenland comme si c’était aussi naturel qu’une promenade en poussette. À terre, rien de l’arrête dans son exploration et elle est toujours enthousiaste de découvrir de nouveaux endroits. Elle possède le sourire coquin qui fait craquer tout le monde. En québécois on dit: une vraie petite ratoureuse!
Raphaël
Né en 2017, lui c’est notre raisonnable. Il est très studieux, attentionné, sensible et aussi très drôle. Il adore dessiner les icebergs, les aurores boréales et les différents animaux des régions polaires. D’ailleurs si vous avez une question technique sur un animal, c’est lui le guide interprète! Il est d’une patience sans faille durant les navigations même durant les longues traversées (ex: l’Atlantique). Il adore avoir de nouvelles personnes à bord; ça lui permet de faire sa tournée de blagues à multiples reprises! Je pense que la vie qu’on lui offre ne pourrait pas mieux lui convenir…
Pour ce qui est de l’école?
Comme beaucoup de famille qui vivent sur un bateau, nous utilisons le programme du CNED pour instruire nos petits matelots. C’est facile à suivre, très ludique et extrêmement complet. Un sacré job pour nous en plus, mais ça nous offre la liberté d’être nomade et ça, ça n’a pas de prix!
Mais en fait, le mieux est de les voir en action…
Vidéo de Jade et Raphaël dans leur environnement naturel, Groenland 2021
Attention, l’histoire qui suit est bizarre! Elle a été écrite lors de notre dernière croisière au Groenland (été 2021) par notre équipier et ami Laurent Catala.
Il faut savoir que Laurent est un personnage original et tout à fait unique en son genre. Son histoire reflète bien son esprit “sans limite”.
Le récit que vous vous apprêtez à lire, n’a rien de réaliste et l’on s’excuse d’avance si des groenlandais pourraient être offensés par ces mots. Le Kiviak existe cependant réellement et c’est probablement lorsque Laurent en a appris l’existence que l’histoire à commencé à germer dans sa tête.
Le kiviak est un plat d’hiver traditionnel du Groenland fait d’oiseaux, généralement des mergules, fermentés plusieurs mois dans le corps vidé d’un phoque.
Wikipedia
Laurent s’est inspiré des membres de la croisière pour forger ses personnages (désolé Hélène, Michelle, Annick et Gilles…)
Le reste n’est que fiction.
Bonne lecture!
LA CROISIÈRE DU KIVIAK
ou le banquet groenlandais
Par Laurent Catala
Chapitre 1 : L’équipage
« Oh, ça me rappelle il y a dix ans quand j’étais sur l’île de Madagascar. J’avais accompagné des pêcheurs du coin qui chassaient des espèces locales de thon rouge et j’avais pu observer des variétés de méduses proprement sidérantes. Je vais consigner celles-ci dans mon rapport de voyage tant leur aspect me semble ex-cep-tionnel ! »
Penchée par-dessus le flanc du Lifesong Prince du Danemark, voilier voguant sur les flots grisonnants de la mer du Groenland, la biologiste Hélène du Lez se prêtait comme toujours avec un plaisir non dissimulé à ses propres observations, même si celles-ci, quoique remarquables, s’avéraient toujours fort éloignées des préoccupations du bord.
Il faut dire qu’après des semaines de route, l’expédition entamée par le Lifesong Prince du Danemark approchait enfin de son but : trouver les terres boréales lointaines des peuplades inuit les plus isolées du Groenland où se cuisinait encore le plus mystérieux des kiviaq, cette fort subtile recette de volatiles entiers cousus avec plumes et entrailles dans une peau de phoque, avant d’être laissés à macérer plusieurs mois dans leur jus sous un tas de pierres, à l’abri du froid et des prédateurs.
S’agissait-il là de la plus succulente facette de la gastronomie du grand Nord ? Le doute était permis. Mais un indigène ramené quelques années plus tôt des contrées les plus septentrionales à la cour du Danemark, et dont le Roi avait fait son favori, en avait tellement convaincu le souverain, vantant notamment les vertus de longue vie que la consommation d’un tel met procurait à son sustenteur, que le kiviaq était devenu comme un fantasme dans l’esprit du suzerain. Au décès de son protégé, le Roi du Danemark ne s’en laissa donc plus conter. Il lui fallait cette recette et aussitôt, il se mit en tête de missionner l’expédition la plus à même de la lui procurer.
Cette mission, vous l’avez compris, c’est donc bien celle du fringant voilier Lifesong Prince duDanemark et de son non moins fringant Capitaine, le Marquis Christophe de Votat. Plus désireux d’ouvrir de nouvelles routes maritimes et de se couvrir d’honneurs, que d’agrémenter le faste des banquets du Roi d’une nouvelle ligne au menu, le Marquis accepta sans ciller cette digne opération. Accompagné du jeune quartier-maître Antoine de la Mèche Blonde, il guidait la bonne marche nautique de cette royale destinée.
Pour trouver la bonne route, c’est une aventurière québécoise, spécialiste de ces terres gelées et hostiles, que le Roi du Danemark avait choisie. Emma Coutu du Lac Saint-Jean avait arpenté le Groenland de long en large, le traversant en chien de traîneau, en kayak et en ski au cours de nombreux raids plus dangereux les uns que les autres. Bien que cette expédition les dépassait de loin, en visant à trouver les populations les plus sauvages et isolées, sa connaissance des lieux, de la langue, des us et des coutumes, s’avérait essentielle. C’est d’ailleurs à elle, et à elle seule, qu’un vieux chaman inuit extirpé quelques jours plus tôt de sa vieille cabane en tourbe, avait accepté d’indiquer la direction du village ignoré de toutes les cartes, où le fameux kiviaq tant recherché figurait encore à l’étal des traditions. Certes, le vieux bougre avait oublié lui-même si ce plat était plus un mythe qu’une réalité, mais la perspective d’atteindre enfin, après tant de jours de navigation, ce point mal situé du globe aux portes du Pôle, avait stimulé toutes les ardeurs.
Pour mener à bien cette mission donc, le Roi avait bien fait les choses et l’équipage se complétait de la plus belle façon. Outre la déjà entraperçue Hélène du Lez, biologiste réputée, enrôlée pour asseoir la portée scientifique de l’aventure – et accessoirement pour valider la qualité des ingrédients du fameux kiviaq – on trouvait aussi à bord : Michèle Cale Sèche du Crotoy, œnologue et sommelière officielle de la cour, spécialement chargée par le Roi de trouver quels vins et breuvages seraient le mieux susceptibles d’accompagner le fameux kiviaq ; L’archiprêtre Laurent du Roussillon, à la fois cureton obséquieux et courtisan arriviste, tout autant désireux de bénir de ses vaines paroles liturgiques le sacro-saint repas que d’évangéliser au passage les populations en détenant le secret ; Gilles de Vendée Bon Marché, médecin du bord, présent pour veiller aux bonnes vertus digestives du dit kiviaq ; ou encore et surtout la très fameuse Annick des Sables Colonnes, comédienne lyrique et ancienne maîtresse du Roi, devenue par la même l’incontournable récipiendaire du protocole de la cour qu’elle entendait ainsi continuer de superviser jusque dans la validation de cette nouvelle recette avant-gardiste.
Toute entière tournée vers sa mission, cette fière équipée de cœurs vaillants donc, autant dévouée à la réussite de sa singulière quête qu’aux inestimables retombées personnelles que cette découverte culinaire ne manquerait pas d’apporter à leurs propres privilèges et réputation, ne put donc s’empêcher de frémir d’impatience et de plaisir lorsque le petit village perdu apparut enfin à l’horizon. Niché au détour d’un fjord enneigé, il attirait leur regard comme un aimant qui aurait affolé la boussole de leur tentation. Et quand les premières embarcations en peaux de bêtes commencèrent à entourer le Lifesong Prince du Danemark, chacun savait que l’expédition était arrivée à son but. Restait maintenant à découvrir ses habitants et les attributs de ce fameux kiviaq qui les avaient conduits à parcourir une si longue route aux confins du monde connu.
Chapitre 2 : L’arrivée au village
« Comme ils ont l’air charmant », s’exclama Hélène à qui voulait bien l’entendre. « Ils me rappellent une tribu que J’ai bien connue sur les rivages de la Côte d’Ivoire. »
« Ils n’ont pas l’air d’avoir soif », poursuivit Michèle. « Sans doute, une qualité permise par leur fantastique acclimatation à la rudesse de ces climats », acquiesça le docte docteur Gilles.
« Ils ont des trous à leurs chaussettes », se contenta de dire la belle Annick, pour qui cela semblait déjà contrevenir à la bienséance du protocole. « Si Paris valait bien une messe, c’est toute une procession qu’il faudrait convoquer pour convertir de tels gueux », s’empressa d’ajouter, narquois, l’Archiprêtre pour qui le meilleur mot était toujours le dernier pour peu que ce soit lui qui l’eût prononcé.
Tandis que le jeune quartier-maître Antoine abandonnait déjà son regard vers les plus jeunes et jolies filles de la tribu, qui lui faisaient signe depuis les maisons, et que le capitaine de Votat cherchait lui de son côté les plus belles formules pour agrémenter les prérogatives diplomatiques d’usage de sa mission, seule l’expérimentée Emma demeurait un peu à l’écart de la contemplation générale satisfaite
« Ils ont l’air bizaâârre », glissa-t-elle avec son charmant accent gaspésien sans que personne n’y prêta attention.
Car déjà, les premiers Inuits se portaient à hauteur du pont. Le mouillage effectué, la délégation au grand complet mit la chaloupe à la mer pour pouvoir enfin débarquer. Quelques encablures plus loin, elle faisait ses premiers pas à terre au milieu d’une population à l’accueil bon enfant et des plus enjoués.
Entouré par cette masse débonnaire, qui tâtait autant des doigts que du regard ces voyageurs étrangers, l’équipage du Lifesong Prince du Danemark se fit alors conduire jusque devant la plus grande hutte du village. En sorti dans son plus bel apparat un bien étrange personnage. Surmonté d’une coiffe qui s’avérait être une tête de morse avec ses deux dents proéminentes, vêtu d’oripeaux d’ours lui donnant une touche altière à faire pâlir le Marquis de Votat, le chef du village les accueillait avec une bienveillante bonhommie tandis que ses sujets redoublaient de sourires ricanants et proféraient hourrah et youppie (en langue du crû, bien entendu).
« E-mma ? Ma chère enfant. Veuillez informer ce grand escogriffe du caractère royal de notre mission je vous prie », demanda le Capitaine-Marquis, visiblement soucieux de paraître à la hauteur du prestige du cérémoniel vestimentaire en ajustant ses manches et son chapeau avec toute la prestance exigée par sa fonction.
« Grand chef, nous sommes icitte missionnés par son altesse le Roi du Danemark pour lui faire découvrir la recette du kiviaq dont votre villaââge semble avoir conservé le secret », s’essaya à traduire avec bien plus de diplomatie la polyglotte Emma, dans le dialecte inuit qui lui semblait le plus approprié.
Le vieux chef sembla la comprendre et en parût fort content. Il opina de la tête tout en adressant de grands gestes à ses administrés. Il désigna ensuite une grande construction centrale où déjà s’activait toute une fourmilière de ses villageois. « Ils ont l’air de vouloir rapidement nous inviter à table », se félicita Hélène du Lez. « C’est tout à fait dans l’esprit d’accueil de ces peuplades primitives et cela me rappelle d’ailleurs un de mes voyages sur l’Orénoque où le chef du village avait tout de suite saisi que j’avais grand-faim sans pour autant connaître aucun des mots que je lui disais », glapit-elle au capitaine. Mais celui-ci, pas plus que les fois précédentes, ne l’écoutait vraiment. « Comte de Votat… Non, duc de Votat, voilà qui me conviendrait fort bien… », se disait-il à lui-même en imaginant déjà son retour triomphant à la cour du Roi.
Chapitre 3 : Le repas
Devancée par leurs hôtes aussi pressés que pressants, la délégation se fit conduire dans le bâtiment. La pièce était sombre, mais haute. En son centre, un foyer illuminait les lieux, où déjà brillaient mille lueurs qui semblaient être les yeux des villageois attroupés autour des visiteurs. Ceux-ci furent invités à se rapprocher tandis que plusieurs indigènes faisaient irruption avec ce qui paraissaient être de grands sacs. Ils les disposèrent au milieu de la salle sous les vivas de leurs congénères de plus en plus excités. Visiblement, les préparatifs avançaient.
« Ça empeste », releva Annick au moment où les autochtones déchiraient les peaux des sacs. À cet instant précis, un flux difforme de chairs et de plumes se répandit au sol, provoquant l’extase des habitants des lieux. « Ooooh ! Et l’on n’a même pas un petit Chardonnay pour accompagner tout ça », regretta Michèle. « Un véritable nid à bactérie », professa le docteur Gilles en compulsant son petit bréviaire médical illustré pour s’assurer de la véracité de ses propos.
Tels des gloutons friands, les Inuits commençaient à dévorer les proies putréfiées s’échappant des besaces gluantes, non sans en offrir quelques morceaux de choix à leurs invités de marque. La libation commençait. Des petites écuelles de portion bien choisies leur furent ainsi présentées tandis que l’atmosphère changeait brusquement. De festive et sympathique, l’ambiance devenait subitement plus orgiaque. Les villageois s’empiffraient comme des morses affamés et leurs bruits déglutis s’apparentaient désormais à quelque bacchanale sauvage déferlant sur la banquise comme le souffle du blizzard.
« Mais, c’est ignoble », susurra Annick qui n’avait pourtant fait que sucer son doigt glissé dans la chair gélatineuse ». « Proprement infect », acquiesça le docteur en hoquetant. « Ooooh ! Ce n’est pas si mauvais » tempéra Michèle qui avait déjà vidé sa gamelle. « Avec un chablis, ça serait même gouleyant », asséna-t-elle même à ses compagnons médusés.
Observant l’évolution de la situation, l’Archiprêtre Laurent, qui était resté en retrait jusque-là, tira la tunique du Capitaine. « Ça tourne mal, Marquis. Regardez ces sauvages. Ils sont ivres de cette nourriture, comme des loups à la pleine lune, et leurs yeux scintillent à présent comme les flammes de l’Enfer. » Effectivement, les Inuits entraient désormais dans une sorte de transe digestive effrayante. Ils bavaient de plaisir en roulant des yeux de flétans. Leurs cris ressemblaient de plus en plus aux hululements de goules. « Il serait sans doute plus prudent de regagner le bateau », poursuivit l’homme de Dieu tout en entraînant discrètement à sa suite le désormais bien moins sémillant capitaine.
Voyant l’homme de robe et le marin s’éclipser discrètement, Emma tira à son tour le paletot du quartier-maître Antoine, qui saisit à son tour doucement le col d’Annick pour se rapprocher de la sortie de la hutte. Tout deux avaient soigneusement pu éviter tout contact avec la nourriture. Mais pour Hélène, Michèle et le Docteur Gilles, la situation semblait plus compromise. Plus en avant du festin, les Inuits les entouraient, paraissant déjà les dévorer des yeux. « Cela me rappelle la fois où une bande de kanaks voulut me faire manger une tortue à peine bouillie au large du Vanuatu », tenta d’expliquer la biologiste à son voisin, un solide pêcheur au regard vitreux et au rictus dégoulinant de bave. Elle ne finit pas sa phrase que ce dernier lui croqua la moitié de la main avec le bruit d’un piège se refermant sur la patte d’un ours. Le hurlement de douleur d’Hélène du Lez scella son festin, enfin plutôt son destin, et une dizaine d’Inuits se jetèrent sur elle comme une meute de hyènes se précipitant sur un phacochère.
« Mais !? Voulez-vous bien laisser Madame du Lez », protesta le docteur. Ses lunettes ayant glissé de ses yeux du fait de la bousculade, le praticien ne percevait qu’indistinctement le dramatique de la situation. Il se tourna alors vers Michèle pour obtenir son soutien face à un tel manque de courtoisie. Il ne vit donc pas très bien que le regard de la sommelière avait lui aussi changé. Enivrés par la chair putride, ses yeux avait pris le même aspect abject et exorbité que ceux des indigènes. Ses traits déformés exprimaient désormais une haine sans nom et sa bouche s’ouvrit sur une rangée de dents qui, tels des crocs, paraissaient avoir triplé de volume. D’un bruit sec, elle referma son bec sur la gorge du malheureux docteur. Celui-ci ne sut lui répondre que par un gargouillis vocal de sang mêlé d’incompréhension.
Chapitre 4 : la fuite
Les habitants et Michèle occupés à dévorer Hélène et le docteur, Emma, le quartier-maître Antoine et Annick à demi-inconsciente purent s’extirper de la cahute. Mais, en regagnant le grand jour, ils virent que le Capitaine et l’Archiprêtre ne les avaient point attendus. Ils ramaient prestement comme des damnés sur la chaloupe à mi-chemin du Lifesong Prince du Danemark, sans jeter le moindre regard en arrière.
Ils n’eurent pas le temps de leur adresser le moindre juron, car derrière eux déjà les premiers villageois zombifiés étaient sur leur pas, ainsi que Michèle devenue bien malgré elle la première louve-garou picarde maritime de l’histoire depuis la création. « Par icitte ! », cria Emma en désignant un attelage de chien de traîneau à l’orée du village. Derrière eux, les sauvages hurlaient et couraient de plus belle, comme autant de ventres affamés.
Guidés par leur chef, dont les dents de morse du couvre-tête paraissaient elles-mêmes avoir participé à la mastication générale, un grand nombre des Inuits se dirigèrent vers l’eau. Ils avaient eux aussi aperçu au loin la chaloupe regagnant le voilier, et comme déguster le capitaine des visiteurs leur paraissait l’option culinaire la plus raffinée, il leur sembla prioritaire d’aller s’emparer de cette portion de choix en premier. Les premiers kayaks furent mis à la mer dans une bordée de vociférations inhumaines tandis que les pagaies brassaient l’eau à la vitesse du rorqual. Le Lifesong Prince du Danemark n’était plus qu’un garde-manger flottant à portée de leurs griffes.
Pendant ce temps, à peine poursuivis par une dizaine d’entre les sauvages, parmi lesquels Michèle tenait la corde, Emma, Antoine et Annick avait atteint le traîneau à chien. Les animaux étant déjà harnachés, Antoine disposa Annick, tout à fait évanouie maintenant, sur la banquette et s’empara des rênes. Emma se chargea de défaire la traîne qui entravait l’engin. Elle parvint à la détacher et esquiva l’assaut d’un premier Inuit en l’assommant à l’aide d’une dent de narval. « Démarre ! Enweye ! «, cria-t-elle à Antoine tout en cherchant à s’accrocher au traîneau. Mais, surgissant tel un diable sorti de sa boîte, Michèle la plaqua au sol. En s’éloignant, Antoine ne put que voir les canines hypertrophiées de Michèle s’enfonçant dans la cuisse d’Emma tandis que la neige rougeoyait sous leurs corps. Pour elle aussi, il était trop tard.
À bord du Lifesong Prince du Danemark, la situation n’était pas moins désespérée. Sitôt arrivés à bord, le Capitaine-Marquis et l’Archiprêtre avaient bien tenté d’appareiller, mais propulsés par une force maléfique, les sauvages s’étaient abattus sur eux comme une nuée de sauterelles. À peine les premiers Inuits montés à bord, le Sacristain s’était mis à escalader la grand-voile comme s’il voulait directement rejoindre le ciel. Il n’atteignit même pas la plus haute vergue que les premiers assaillants lui grignotaient déjà les mollets.
Dans les entrailles du bateau, l’officier de marine cherchait lui aussi quelque refuge miraculeux au milieu de ses cartes et souvenirs de voyage. Un placard lui parût assez spacieux pour pouvoir s’y cacher. Las, le pan de sa redingote vint se coincer dans l’ouverture indiquant aussi sûrement sa présence au chasseur que la queue du lièvre dépassant du terrier. Son cri de désespoir au moment où sa cache fut ouverte se conjugua aux gloussements ravis de ses bourreaux transis.
Épilogue : Sauvés ?
Du haut de la colline qu’il avait pu gagner avec son attelage. Antoine contemplait avec effroi le pillage morbide du Lifesong Prince du Danemark. Malgré tout ce désastre, il se sentit enfin lui-même un peu à l’abri. Ses poursuivants avaient été distancés et, sous ses yeux à l’horizon, l’immensité du plateau glaciaire ressemblait à un sésame pour l’espoir. En tournant la tête, il observa Annick qui paraissait dormir, bien que la pâleur de son visage ait déjà quelque chose d’inquiétant.
« Allez ! », se dit-il comme pour se donner plus de courage en encourageant ses chiens à poursuivre leur course. « En allant tout droit vers le sud, nous parviendrons bien à rejoindre quelque poste isolé de la civilisation ». Inconsciemment, Antoine se relâchait un peu. Il se voyait déjà racontant son incroyable histoire dans une taverne animée du port d’Hambourg, de Londres ou de Copenhague. Il souriait presque, savourant la bonne étoile qui l’avait tiré de ce pétrin insensé. La vie s’offrait de nouveau à lui.
Perdu dans ses pensées, il ne vit pas que, subrepticement, Annick avait doucement ouvert son œil, portant sur lui un regard lugubre et immobile. Lentement, sa bouche s’était ouverte, dévoilant la longue blancheur mortuaire d’une dent gourmande aux aguets. Tandis que les derniers échos s’élevaient du village au loin et de son banquet funeste, le traîneau n’était bientôt plus qu’un point noir sur la piste immaculée.
Un point noir qui bientôt disparut comme dévoré par les derniers rayons du soleil arctique.
Depuis 2011, que je voyage régulièrement au Groenland. Que ce soit en ski, en raquette, en randonnée, en kayak ou à la voile, ce pays me fascine à chaque fois. C’est un territoire fabuleux qui a tant de possibilités à offrir à ceux qui aiment l’aventure.
L’année 2021 était plutôt mal partie pour nous permettre d’enfin y retourner, mais grâce à notre patience, notre persévérance (nos têtes dures) et avec un peu de chance, le Groenland nous a ouvert ses portes cet été! Je vous avoue qu’on y croyait à peine et que l’arrivée de chaque groupe nous semblait un miracle.
En sortant de l’aéroport (car je suis allée rejoindre LifeSong en avion), je n’ai pas pu retenir un « YAHOUUUU! » à en faire vibrer les icebergs.
Enfin, j’avais l’impression de respirer à nouveau. Après un an et demi d’incertitudes, de questionnement et de stress, on y était. La beauté du Grand Nord était là devant nos yeux comme si rien n’avait changé.
La Baie de Disko était pleine de glaces, mais vide de monde. Les touristes étaient rares cette année; aucun bateau de croisière et à peine une poignée de voiliers sur tout le territoire. Les quelques-uns qui ont eu la force de s’y rendre ont pu apprécier le calme spectaculaire des grands espaces avec l’impression d’être seul au monde!
Sans Covid?
Notre saison 2021 fut bien courte par rapport à celle planifiée, mais comme ce fut bon de retrouver notre vie, nos mouillages sauvages, les glaciers qui craquent, les villages silencieux et… une vie sans COVID!
Le Groenland est probablement un des pays les moins touché par la pandémie. Zéro décès et moins de 500 cas depuis le début de la crise (et seulement 11 cas dans la première année). La vie là-bas est sereine et avec peu de connexion tout au long de l’été, on en a presque complètement oublié l’état du reste du monde.
La vie de chasseurs-cueilleurs
On ne voyage pas au Groenland pour manger des salades fraîches et découvrir de grands restaurants. Malgré que sur la côte ouest on trouve maintenant de tous dans les supermarchés…
On vient au Groenland pour revenir aux sources. Pêcher et cueillir sa propre nourriture. Sur presque tous les voyages nous avons attrapé des morues, flétans, loups et ombles arctiques en plus de ramasser moules et oursins! Ça ne peut pas être plus frais dans l’assiette!
À terre, on a aussi cueillies des champignons (bolets et rosés des près), des baies (airelles et camarines), de l’angélique (ça ressemble à du céleri) et du thé des bois. Quelquefois la cuisinière ne savait plus quoi faire face à l’enthousiasme des cueilleurs!!!
Donc, presque tous les jours, on consommait les produits de notre récolte: fish & chips, acras de morues, gravlax, muffins aux airelles, soupe de poissons, moules marinières, etc.
Et comme on n’est pas réellement des chasseurs, on complétait le « menu groenlandais » par des produits locaux: boeufs musqués, caribous, agneaux, crevettes, pétoncles, phoques, baleines et même narvals.
Certaines personnes étaient réticentes à goûter la viande de mammifères marins. C’est vrai que c’est assez loin des standards de goût occidental. Pour vous donner une idée, le matak (gras de baleine fumé) c’est un peu comme mâcher un pneu de vélo (peau) avec du saindoux qui fond dans la bouche (graisse). Une expérience culinaire tout à fait unique en son genre…
La viande de phoque, quant à elle, est très rouge, presque noire. On a l’impression de manger du steak, mais cela a un goût de poisson.
Au revoir Groenland!
Voilà, toute bonne chose a une fin… nous voilà reconnectés. Avec pleins de souvenirs et de nouveaux projets en tête!
LifeSong sortira bientôt de l’eau (en Bretagne!) pour son petit chantier annuel et nous on rêve déjà à la Norvège et au Spitzberg 2022!
Écrit par Christophe, le Capitaine de LifeSong à la fin de la traversée vers le Groenland
En ce début de mois de juin, notre agenda s’est soudainement bousculé par l’ouverture du Groenland au tourisme. Nous avions échafaudé de nombreux plans et avions essayé d’anticiper la vaccination pour ne pas nous retrouver bloqués par un passeport vaccinal qui risquait d’être imposé pour tout déplacement à l’étranger. C’est pourquoi notre date de départ demeurait fixée à notre deuxième dose le 5 juin.
Mais rien n’était joué car, pour se rendre au Groenland, les routes à emprunter peuvent être tumultueuses; variées par des options plus ou moins risquées. Une route Nord, par l’Irlande, les Feroés puis l’Islande pour redescendre le long de la cote Est du Groenland, sans pouvoir s’y arrêter à cause du pack transporté par les courants polaires. Soit par le Sud vers les Açores et les États-Unis… Soit directe car le timing ne nous permettrait plus d’envisager les autres options.
Le compte à rebours était lancé et de grosses dépressions traversaient l’Atlantique générant des vents de 100km/h proche des côtes irlandaises.
Imaginez vous être accroché sur le dos d’une tortue et devoir prendre un itinéraire pour traverser une autoroute lors d’un retour de vacances!!
L’équipage s’est composé en dernière minute et, avec du recul, il aurait pu être difficilement mieux choisi. Nous sommes 4 à bord, chacun notre cabine et notre douche. Quel luxe.
Après une semaine d’attente à la pointe Ouest d’Irlande sans débarquer, à apprendre à nous connaître, nous nous lançons pour cette transatlantique un peu spéciale .
Un début un peu rude, une bonne mise en situation de ce qui nous attend pour la suite, car la route est longue et l’arrivée semée d’embuche (icebergs).
Et là, la vie prend une autre mélodie.
Des quarts de nuits toutes les trois heures, alternés au fil des journées. Un autre confinement? C’est à peu près ça, avec autour de soit l’immensité de l’océan, des journées rythmées par les éléments et les menus improvisés en fonction de la météo . La nuit, parfois même la journée, on pense à ceux que l‘on a laissé sur le quai qui nous regardaient nous éloigner vers l’inconnu, à ceux que l’on à hate de retrouver, s’inventant ce moment si délicat qui réconforte. À ceux qui nous sont chers que l’on a pas vu depuis trop longtemps, à qui on aimerait dire que l’on pense souvent à eux, et pourtant, que l’on n’en prend jamais le moment .
Aux repas, on se retrouve tous les quatre dans le carré, pour discuter, et souvent rire aux larmes.
On s’invente des histoires sur une course improbable, BANTRY (Irlande) — QAQUOORTOQ (Groenland). Où les plus fous accepteraient un règlement insensé: mise à la cape obligatoire pendant 24h, 100 Milles nautiques minimum d’ancre flottante à tracter, etc. Quant-aux bateaux, ils devraient répondre à certains critères étranges comme un air bag anti-Iceberg, un gréement minuscule, une vache à eau noire accrochée dans le mat, une machine à laver le linge traînant dans le sillage et un lave-vaisselle sur moteur atomisant les assiettes à plus de 1000 trs/ min. (note: délire total de la part de l’équipage)
Huit jours et le cap Farvel grossit sur notre carte, les premiers icebergs ont pointés le bout de leurs nez sur notre radar. C’est notre Furuno qui aura sa double ration de Rhum!! Encore un petit bout de route mais le plus dur est derrière nous.
Dans une semaine, les retrouvailles seront belles et bien réelles de mes amours qui occupèrent toutes mes nuits À mon Amour, mon Raphou et ma petite Jade
Neuf mois que, malgré nous, le bateau a été enchaîné au quai de Bénodet.
Cette parenthèse dûe au Covid nous a permis de « tester » la vie sédentaire, de goûter aux petits bonheurs simples d’un quotidien routinier.
C’était pas mal. Faut dire qu’on a eu beaucoup de chance… On avait le vrai confort d’une grande maison et en plus en bord de mer. (Merci Bernard!)
Cela nous a donné le luxe de « démonter » le bateau sans contraintes d’y vivre en même temps.
Alors, on en a profité pour faire plusieurs améliorations à LifeSong: un nouveau guideau, de nouveaux matelas, refit de la bôme, lit supplémentaire pour Jade, entretien complet du groupe électrogène et du moteur, nouveaux coussins dans le carré, double vitrage en plexiglas de tous les hublots (30!), restructuration du coffre à gaz et de nombreux projets de soudure et de couture!
Tout ce temps investi dans le bateau a été possible grâce à Magali. Une assistante maternelle en or qui nous a permis d’avoir un peu de temps!
Depuis la naissance de Raphaël (2017) et Jade (2019) nous les avions 24h/24h avec nous. Pouvoir laisser ses enfants, l’esprit tranquille est un luxe que beaucoup de gens prennent pour acquis. N’oubliez pas de remercier ces gens formidables qui prennent soin de vos enfants. C’est un métier extraordinaire de passion et de patience!
Pour nous, c’est malheureusement la fin de cette belle aventure avec Magali, nos petits redeviennent nos compagnons de vie 24 sur 24.
Plusieurs nous disent qu’il leur serait impossible d’avoir leurs enfants à temps plein. Mon point de vue, c’est que lorsqu’on est en bateau, les enfants nous suivent dans nos aventures quotidiennes. Ils s’adaptent peu importe l’horaire, les activités et les navigations, car ils n’ont pas le choix. Les journées ne sont donc pas en fonction des enfants, mais aux côtés des enfants. Cela fait toute la différence!
Et Raphaël ne devrait-il pas aller à l’école?
Effectivement, Raphaël a eu trois ans en septembre dernier et, en France, l’éducation est obligatoire à cet âge… Ces neuf mois de stabilité, m’ont donc permis de lui faire l’école à la « maison ». Grâce au Cned, j’ai été très bien encadrée pour lui faire réussir sa première année de Maternelle (petite section). Raphaël est un petit garçon studieux, attentif et calme, il réclamait de « faire l’école ». Ce programme à distance lui convient donc parfaitement.
Donc, la vie à terre? C’était pas mal, mais ce n’est pas notre vie. Me voici depuis le départ du bateau (début juin) à vivre dans la voiture entre les amis et la famille dans les bagages et le chaos quotidien… et… j’adore ça.
Donc, désolée pour nos familles, mais la vie à terre c’est pas pour tout de suite.
Et où est le bateau?
LifeSong est maintenant en pleine mer; prêt pour arriver en Baie de Disko (Groenland) début juillet. NOTRE vie recommence enfin avec toutes ses contraintes et ses plaisirs!
Dans quelques jours je m’envole pour Copenhague, puis le Groenland, une grande épopée de trains, d’avions, d’hôtels avec deux enfants en bas âge. Ça va être sport, mais quel bonheur de revoler et de retrouver nos ailes!
Nos croisières sont malheureusement toutes complètes pour la saison 2021 au Groenland. Contactez-nous dès maintenant si vous souhaitez réserver vos places pour 2022 en Norvège ou au Spitzberg.
On assume, vous n’aurez pas d’accès à internet ou de réseau cellulaire durant votre séjour… Et pour nous, c’est un réel point fort pour nos voyages*.
En 2021, c’est difficile de se rappeler la vie avant l’internet et presque impossible de s’en passer même pour une journée. Là, on vous offre 12 jours ou plus de déconnexion totale au milieu des montagnes et des glaciers!
Les avantages:
Discutez en temps réel
À bord nous avons toutes sortes d’équipiers d’horizons différents, rencontrez des gens et partager leurs passions. Prenez le temps de discuter de tout et de rien lors des navigations ou en se baladant en montagne!
Les membres de l’équipage ont aussi des vies remplies de voyages et d’anecdotes. Découvrez au fil des jours ce qui les font vibrer et ce qui les a menés à cette vie d’aventures.
Vivez pleinement le moment présent
Ne soyez plus dérangé par un appel, un texto ou le “dadou” d’un nouveau courriel. Il ne reste que vous, les glaciers, le vent sur votre visage et le sourire de ceux qui vivent l’aventure avec vous. Respirez profondément et profitez!
Les soirées sont aussi remplies jeux de société pour partager des rires et de beaux moments en “live”.
Le moment présent c’est aussi d’être avec Raphaël ou Jade; les enfants ont le don de nous faire vivre la vie pleinement! Fous rires assurés avec les blagues de notre coquin Raphaël.
Videz votre tête du quotidien
Certaines personnes ont de la difficulté à décrocher du travail. Pour plusieurs répondre à des courriels professionnels à minuit le soir ou lors des vacances familiales fait maintenant partis du quotidien. Décrochez réellement lors d’un séjour à bord, car il vous sera “agréablement” impossible de répondre!
Déconnectez-vous des “mauvaises” nouvelles du monde
Même si vous ne connaissez pas les dernières nouvelles sur la pandémie, la politique ou autres, la Terre continue de tourner. Vous aurez tout le temps de vous y replonger au retour.
Oubliez l’agression quotidienne de la publicité
Pendant tout le séjour, il vous sera presque qu’impossible de dépenser des sous. Pas de publicité, pas tellement de magasins, pas moyen de se créer des besoins! La nature à son meilleur.
Alors, c’est parti?!
*Ne vous inquiétez pas, nous avons une connexion satellite pour toute urgence.
Un mauvais commentaire revient chaque année… On ne perd pas de poids lors de nos croisières.
Malgré les activités physiques que l’on propose à bord (kayak, randonnée et chasse aux poissons), les bons petits plats proposés l’emportent sur le tour de taille.
On est des épicuriens et on aime bien partager notre passion de la « bonne bouffe ».
Alors, on est désolés d’avance, mais vos papilles gustatives ne regretteront pas le séjour.
C’est généralement moi, Emmanuelle, qui cuisine à bord. J’adore ça! C’est un réel plaisir d’inventer de bons petits plats jour après jour.
On me demande souvent si j’ai un menu prédéfini à chaque croisière… La réponse est non, c’est de l’improvisation.
Les secrets de l’avitaillement
Imaginez-vous faire l’épicerie pour nourrir 10 personnes trois fois par jour pendant 2 à 3 semaines… Ça correspond approximativement à 4 paniers (caddies) rempilent à ras bord.
Ma façon de faire: avant de partir du bateau, je fais le tour des placards pour savoir ce qui reste/ce qui manque. Je fais souvent une liste de ce qui manque, mais le plus souvent je ne la regarde pas; tout est dans ma tête.
Rendue à l’épicerie, je fais le tour de TOUS les rayons. C’est comme ça que je me remémore ce qu’il me faut et que je découvre les nouveaux produits de la région dans laquelle on se trouve. J’achète amplement de tout ce qui est non-perrisable. C’est la grosse différence par rapport à prévoir de la nourriture pour une expédition; il n’y a pas (ou disons moins) de limite de poids/volume.
Pour ce qui est du frais, j’achète selon les dates de péremption. D’un pays à l’autre, il existe différentes possibilités de viande/poisson sous-vide qui se conserve plusieurs semaines. Nous avons également à bord un appareil pour mettre sous-vide (très pratique lors de pêche abondante).
Pour ce qui est des légumes, je prends de tout, même si j’ai encore aucune idée comment il finiront dans l’assiette. Les quantités sont gravées dans ma tête.
Une fois que tous les produits sont choisis, ce n’est que le début de l’aventure…
J’ai souvent fait les avitaillements seule et je vous laisse imaginer la galère de faire scanner les 4 paniers (quelques fois la facture touche même le sol), de tous mettre dans des sacs, de prendre un taxi (qui hallucine de la quantité à mettre dans sa petite voiture) et de transférer le tout dans l’annexe (toujours seule) pour ensuite arriver au bateau avec une quantité inimaginable de sacs.
Ensuite, il reste à tout rentrer dans les placards en enlevant au maximum les emballages et à remplir le frigo jusqu’à ce qu’on ne puisse plus fermer le couvercle!
Et là, le plaisir commence: la cuisine! J’adore inventer, improviser, créer. Donc chaque matin, je sais rarement ce que l’on mangera le soir. Si je suis quelques fois dans la lune lors des navigations, c’est que je réfléchis à vos bons petits plats. Et de toute façon impossible de prévoir en navigation, car il faut souvent manger selon les légumes qui s’abîment, la pêche du jour, les restants de viande, etc.
En bateau, il faut aussi penser à l’utilisation du gaz/four. Comme un seul plat rentre dans le four, il faut prévoir faire le gâteau à l’avance ou juste avant d’enfourner le repas du soir car le four est déjà chaud.
D’ailleurs, j’adore les gâteaux et les desserts en générale donc, sauf cas de force majeur, il y aura un dessert différent tous les soirs!
Un aperçu des bons petits plat à bord
J’ai une vilaine tendance à ne jamais suivre de recette alors quand nos équipiers me demande les secrets de la cuisine, c’est dur de mettre ça sur papier.
Voici quand même quelques recettes qui ont fait leur preuve à bord:
Rien ne vaut un bon verre de vin et de la bonne compagnie pour pour apprécier pleinement un repas. LifeSong possède un grand carré rond et conviviale ainsi qu’une table extérieure pour apprécier la vue pendant le déjeuner et l’apéro!
Dans les régions où c’est possible, les barbecues sur la plage sont toujours un “must”.
Les bons produits de la pêche
Les poissons pêchés, les moules, les oursins, les calmars, les baies ou les champignons font partie intégrante de notre menu à bord de LifeSong. On ne sait jamais ce qu’on aura, mais rien ne vaut un bon poisson frais et des sourires de pêcheurs!
Malgré toutes les mésaventures qui nous sont tombées dessus à cause de la pandémie, pour moi, ce fut finalement une belle année de créations!
J’ai trouvé un peu de temps pour peindre lors de nos croisières en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve et aux Açores. J’ai aussi eu le grand bonheur de donner trois cours d’aquarelle à bord. Des moments de partage où l’on se rend compte que l’art est à la portée de tous et qu’il y a de multiples façons de voir le même paysage. Merci à mes élèves, qui malgré leurs doutes, ont réussi à créer de belles choses!
BEAUCOUP DE COUTURE!
J’ai aussi lancé la création de sacs en toile de voile recyclée. Un belle façon de récupérer de vieilles voiles pour en faire des sacs costauds et uniques. Sacoches, sac de plage, bagage à main, sac de sport, etc.
T-SHIRTS SIGNÉS LIFESONG
Depuis longtemps, je voulais offrir des t-shirts à l’image de notre bateau LifeSong. J’ai donc créé une gamme colorée en aquarelle/feutre.
PORTRAITS
Mes enfants ainsi que ceux d’amis m’ont inspiré à faire des portraits. Souvenirs de leurs bouilles d’enfants sur papier. Et le moment que je passe à les dessiner me fait enregistrer pour toujours leurs visages dans ma tête. J’ai l’impression qu’en faisant leur portrait je les connais dans les moindres détails.